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Morphē

Texte, mise en scène, scénographie et jeu Simon Falguières – spectacle tout public à partir de huit ans – Compagnie Le K, au Théâtre Paris-Villette.

© Christophe Raynaud de Lage

Simon Falguières entre en scène et se présente, « Pierre, je suis l’acteur » puis il présente ses personnages. Ils sont dans un pays en guerre, quelque part, loin d’ici et dans un petit village de ce pays vit son grand-père, Rezzo. Pour calmer les peurs de sa fille, Macha, Rezzo a construit un théâtre de marionnettes, en bois, sur lequel s’inscrit en lettres lumineuses son nom, La Baleine bleue et il lui montre son dernier spectacle, Morphē.

Pierre – Simon Falguières, seul en scène, se projette dans le temps passé et joue le rôle du grand-père qui raconte à sa fille, qui racontera à son tour à son fils, Pierre lui-même, qui nous raconte aujourd’hui, avec Morphē – la divinité des rêves chez les Grecs – la naissance du monde. Pour faire ce récit, Pierre se métamorphose en clown cosmique-conteur-bonimenteur, magicien et dessinateur, étant tantôt Rezzo, tantôt Macha, tantôt lui-même. Deux acteurs-manipulateurs l’accompagnent pour que la créativité et la féérie de son poème visuel l’emportent sur les canons qui tonnent.

© Christophe Raynaud de Lage

De génération en génération passe l’histoire. Le jour de ses huit ans, Pierre demande à sa mère de lui raconter quelque chose qu’elle ne lui a encore jamais raconté. Macha est actrice, elle aussi. Née en exil, elle avait grandi dans un autre pays que Pierre ne connaît pas. Et elle va lui raconter La Baleine bleue transmettant l’histoire de ce petit théâtre, inventé par le grand-père. « Micro ! Lumière ! » commande l’acteur d’un coup de baguette magique pour devenir Macha transmettant l’histoire familiale et offrant à Pierre et aux spectateurs d’entrer dans le rêve.

« C’était l’hiver… » commence-t-elle « Mon père sort son grand trousseau de clefs de sa poche. Des clefs immenses et dorées digne des clefs d’un château de conte. Mon père ouvre la porte du théâtre et la referme derrière lui. Nous traversons le hall une lampe à la main. Il y a une odeur de bois, de poussière, de cigarettes et de cire. Il y a les costumes, les masques et les marionnettes qui attendant dans l’obscurité des loges et des couloirs. Nous sommes dans le ventre de la baleine bleue… Le ventre du théâtre à l’écart du reste du monde… » Les sons se déforment, les personnages apparaissent et s’effacent, le mimodrame et la magie se mettent en place. Au début la scène est vide, et par le pouvoir du théâtre et de la mémoire, tout au long du spectacle, Pierre la remplit d’objets magiques, de dessins et de mots inventés (accessoires, régie plateau, Alice Delarue).

On entre dans l’irrationnel et l’alchimie, et on perd les références : le tiroir s’ouvre tout seul, le cylindre tourne quand on ne lui demande pas, le fil – d’Ariane – ne se rattrape pas, tout se télescope et s’emballe, un caillou tombe d’on ne sait où, puis une pluie de pavés, une trappe s’ouvre, des objets sortent des murs, la guerre déstructure le monde. Tout est étrange, tout est troublé.

© Christophe Raynaud de Lage

Au commencement était Kaïros, la terre, peuplée d’étranges animaux comme un diplodocus ou un singe qui s’affichent en dessins sur le mur du fond, puis une baleine qui s’articule. L’océan est né de l’humanité, nous sommes nés des étoiles et des animaux marins, d’un émerveillement, il y aura toujours quelqu’un pour le rappeler. La lumière traverse la fenêtre comme en clair-obscur (création lumières Léandre Gans). Puis la mémoire de la petite enfance s’estompe et l’acteur réapparait sans son nez de clown.  « Fais que les étoiles t’entourent. Émerveille-toi ! »

La transmission, le pouvoir et la fragilité de la création face à la grande Histoire, l’art du théâtre, sont à la source de ce spectacle, très visuel, où l’acteur est aussi chef d’orchestre et maître de magie. Seul en scène, Simon Falguières dessine les personnages en s’appuyant sur l’art du clown et du burlesque, auquel  il a été formé, même si ses autres spectacles sont d’une toute autre facture, comme Nid de Cendres, la longue fresque qu’il a écrite et mise en scène, et pour laquelle il a obtenu le Prix Georges-Lerminier du Syndicat de la Critique, en 2023.

Son personnage, Pierre, habillé chic (création costumes Lucile Charvet), construit son univers en dessins, inventions et bricolages, enfermé dans une maison de bois qui ressemble au petit théâtre de son grand-père. Derrière la guerre, il dessine la magie du monde et emplit cet espace vide de ses trésors, donnant vie à Rezzo, le grand-père et à Macha, sa mère. Le spectacle est soutenu par une ligne mélodique et des sons qui assourdissent la guerre, des voix enregistrées, des sons aquatiques et le chant des baleines (création sonore Celsian Langlois).

Morphē est la première création que la compagnie réalise dans le nouveau lieu qu’elle a investi, Le Moulin de l’Hydre, une ancienne filature réinterprétée en fabrique théâtrale, à Saint Pierre d’Entremont, dans le département de l’Orne en région Normandie. La pièce s’en inspire dans sa scénographie et son environnement. Le spectacle a été créé le 3 mai 2023 au Tangram – Scène Nationale Evreux Louviers et poursuit sa route dans de nombreuses villes.

Brigitte Rémer le 27 novembre 2023

Création accessoires et marionnettes, Alice Delarue – création lumières, Léandre Gans – création sonore, Celsian Langlois – création costumes, Lucile Charvet – assistant à la mise en scène, David Guez – régie lumière : Léandre Gans, Lison Foulou – régie plateau Alice Delarue – Roméo Rebiere – régie son Celsian Langlois, Hippolyte Leblanc

Du 19 octobre au 5 novembre 2023 au Théâtre Paris Villette, 211 Av. Jean Jaurès, 75019 Paris tél. : 01 40 03 72 23 – site : www.theatre-paris-villette.fr – métro : Porte de Pantin – En tournée : 21 et 22 mars 2024, au Théâtre du Château d’Eau, scène conventionnée d’intérêt national – 25 au 29 mars 2024 à la Comédie de Caen, centre dramatique national de Normandie – 8 au 13 avril 2024, Transversales, scène conventionnée de Verdun – 3 et 4 mai 2024,  La Mégisserie – centre culturel de Saint- Junien